Civilization : Le jeu de plateau
Jeux de société / Critique - écrit par Ryo, le 06/09/2011 (Tags : civilization meier sid plateau cartes nouvelle aube
Cette adaptation du jeu vidéo éponyme est une totale réussite. Kevin Wilson et son équipe ont réussi à faire de ce Civilization un jeu fidèle à son modèle, d'une richesse inouïe en terme de stratégie et de possibilités et avec quatre manières totalement différentes de mener et de remporter une partie. Un must-have pour les fans.
Adapter un objet culturel en un autre représente toujours une tâche compliquée et périlleuse. Combien de jeux vidéo phares ont terminé en navets au cinéma (Super Mario, Resident Evil, Doom pour ne citer qu’eux) ? Combien de mangas ont fini en jeux vidéo insipides et sans intérêt (Naruto, One Piece etc…) ? Et combien de jeux vidéo ont été adaptés en jeux de société injouables (World of Warcraft) ? Tenter d’adapter un jeu phare et complexe comme Civilization relevait donc du suicide et du plantage assuré d’autant que ce n’est pas la première fois que le jeu vidéo se paye une adaptation en jeu de société (c’est la quatrième version si nos comptes sont exacts, le tout premier datant de 1982 et étant lui-même à l’origine du jeu vidéo : vous suivez… ?). Et pourtant Kevin Wilson, auteur à succès du moment, a encore réussi l’impossible. Faire de Civilization une totale réussite, fidèle à son modèle mais surtout d’une richesse inouïe en terme de stratégie.
La technologie "Chevalerie" qui vous apprend
le type gouvernement "Féodalisme" et vous
débloque les ChevaliersCe qui frappe en premier en déballant la boîte, c’est la quantité de cartes, tuiles et jetons diverses qui sont présents. Contrairement à la version précédente et à la plupart des jeux Edge habituels, il y a ici très peu de figurines. Mais ce n’est pas là l’important. Les connaisseurs reconnaîtront tout de suite les éléments qui ont fait le succès de la série : les Merveilles à construire (douze allant de Stonehenge à la Statue de la Liberté), les spécialistes des villes (six différents), les technologies à rechercher (trente-six allant de la poterie à la conquête de l’espace), les ressources à exploiter (six sortes différentes), les civilisations (six), les types de gouvernements (huit allant de l’Anarchie à la Démocratie), les bâtiments à construire (quatorze) et les unités à produire (treize sortes allant du Hoplite au Char d’assaut). Evidemment cette liste ne serait pas complète sans la présence d’une vingtaine de tuiles de plateau repositionnables à souhait et qui assurent donc un renouvellement permanent du plateau de jeu. Bref, du matériel à foison qui donne tout de suite envie de se plonger dans les règles.
Quelques uns des différents bâtiments
constructiblesNous n’allons pas ici tenter de vous résumer les trente pages de règles mais sachez tout de même que le principe et le but du jeu sont les mêmes que pour le jeu vidéo. Vous démarrez la partie avec un colon, une figurine d’armée et une cité dépourvue de tout. Vous devrez essayer de faire progresser votre peuple de départ (à choisir parmi les Allemands, les Egyptiens, les Chinois, les Romains, les Américains et les Russes), en bâtissant de nouvelles cités et en les améliorant, en recherchant de nouvelles technologies, en accroissant la culture de votre civilisation et en récoltant les ressources les plus profitables. En créant de nouvelles cités et en explorant le monde environnant, vous serez en contact avec des civilisations mineures, certaines pacifiques et d’autres guerrières. Enfin tôt ou tard, vous devrez affronter les autres civilisations. En effet, les joueurs peuvent guerroyer, négocier discrètement des accords ou tenter d’être le premier à bâtir des Merveilles et tout cela dans le but de devenir la plus grande civilisation que le monde ait connue. Et pour cela ce n’est pas un, ni deux mais bien quatre moyens d’arracher la victoire qui existent. Vous pouvez viser une victoire culturelle en faisant de votre empire une civilisation versée dans les arts. Si vous préférez la force, vous pouvez viser une victoire militaire en produisant d’immenses armées pour aller conquérir une capitale ennemie. La victoire technologique s’obtiendra, quant à elle, en étant le premier à envoyer une navette dans l’espace. Et, enfin, en accumulant un certain nombre de richesses, vous aurez accès à la victoire économique.
La Merveille des Jardins Suspendus Toute la richesse du jeu tient dans ces quatre moyens de victoires qui sont véritablement différents mais qui se valent plus ou moins en terme de difficultés à obtenir. Ici donc, pas question de jouer au petit bonheur la chance. Au bout de quelques tours (et en fonction de votre civilisation de départ et de ce que fait votre adversaire), vous devrez impérativement vous arrêter sur un type de victoire et vous spécialiser sur ce type de victoire donnée. Si vous choisissez par exemple une victoire culturelle, alors vous devrez vous focaliser sur la construction de nombreux temples, cathédrales, universités et Merveilles du monde qui vous rapporteront de nombreux points de culture. Vous devrez alors accepter le fait de prendre peut être un certain retard technologique ou bien d’avoir une armée assez faible ; mais la victoire est à ce prix. De même si vous optez pour une victoire militaire, vous devrez rechercher des technologies axées sur la puissance des unités et le nombre de vos armées, et construirez peu de bâtiments dans vos villes au profit d’unités. Ne perdez donc jamais de vue votre objectif sous peine de vous disperser et de perdre la partie. Toutefois, chacun de ces moyens de victoire est quand même relié avec les autres. Ainsi, par exemple, avoir une bonne économie vous permettra, certes d’espérer une victoire économique, mais également de faire plus de recherche et donc de vous diriger vers une victoire technologique. De même une attaque militaire réussie contre une citée ennemie vous permettra de vous emparer d’un certain nombre de ses points de culture. Tous les moyens de victoire sont donc interconnectés malgré une spécialisation nécessaire.
Quelques uns des différents pions et jetons
diversesEt c’est véritablement la richesse des possibilités offertes qui frappera le joueur lors des premières parties. Chaque tour offre tellement de combinaisons possibles que vous prendrez de longues minutes à vous demander quoi faire, entraînant des tours de jeu, certes un peu longs surtout à plus de deux, mais tellement stratégiques. Le fait de voir sa civilisation se développer petit à petit, grandir et devenir de plus en plus puissante est toujours très agréable d’autant plus que chaque action que vous entreprendrez sera matérialisée d’une manière ou d’une autre : les tuiles de développement de villes sur la carte, les changements de gouvernement, les ressources récoltées, la pyramide des technologies, les spécialistes présents dans vos villes, les merveilles construites, les villages barbares à coloniser etc… Ces multiples stratégies confèrent d’ailleurs au jeu une très bonne rejouabilité puisqu’il vous faudra de nombreuses parties avant d’avoir pu essayer toutes les civilisations, manières de gagner, constructions et cartes diverses.
Une des tuiles de plateau du jeuSi l’on voulait vraiment être tatillon, on pourrait chipoter sur des micro détails comme un certain manque de précisions sur des points de règles (comme pour les effets des Merveilles dont on ne sait jamais si leur effet doit s’appliquer à chaque tour ou bien juste une seule fois), une durée d’installation un peu trop longue, certaines Merveilles très (trop… ?) puissantes, la nécessité d’avoir une table vraiment très grande dans les parties à quatre, un aspect militaire qui dépend beaucoup de la pioche et donc du hasard alors que tout le reste du jeu ne laisse la place qu’à la stratégie. Rien de bien rédhibitoire étant donné la fabuleuse richesse du reste. D’autant plus que même si les parties peuvent être longues, l’interaction avec les autres joueurs est permanente. Car même si toutes les phases ne peuvent se jouer en simultané, observer son adversaire est vital et chacune de vos actions se fera en réaction à ce que fera votre adversaire. Il est certes possible de se développer tranquillement dans son coin mais tôt ou tard, vous devrez agrandir votre territoire et vous frotter à vos adversaires sous peine d’être à la traîne et sous peine de ne pas pouvoir gêner votre adversaire alors qu’il sera proche de la victoire.
La technologie "Philosophie" qui vous permet
de bâtir des temples et d'acquérir des spécialistes
des villes moyennant des ressourcesEn bref, Civilization le jeu de plateau est à recommander à tous ceux qui ont passé des heures à jouer à la version PC, à ceux qui sont fans des jeux de développement de cités, à ceux qui aiment les jeux qui durent, à ceux qui n’aiment pas les jeux où le hasard et les dés prédominent, et d’une manière général à tous ceux qui aiment les jeux solides où tout a été pensé et calibré pour avoir une mécanique de jeu parfaite. Oui, Civilization est à recommander à un paquet de monde. Le plaisir de faire évoluer sa civilisation comme on le souhaite, d’une manière logique ne fait que renforcer cette impression de multi-stratégie inhérente à la série. Le matériel est très complet et chaque élément trouve son utilité. Les différentes manières de gagner sont vraiment bien pensées et ne se ressemblent pas bien qu’il y ait des interactions judicieuses et subtiles entre ces différents modes. Enfin l’esprit du jeu reste fidèle à son modèle d’origine ce qui n’était pas gagné avec un jeu d’une telle richesse. Pour conclure, nous dirions que dans la production ludique actuelle, il y a beaucoup de jeux pour lesquels on espère une extension afin d’avoir plus de contenu, de cartes, de possibilités etc…. Pas pour Civilization : le jeu se suffit entièrement à lui-même et est parfait en l’état… sauf peut être pour espérer voir un jour la civilisation des Français…