Cyberpunk 2020
Jeux de société / Critique - écrit par Val Lazare, le 17/08/2003 (Tags : cyberpunk red role disponible port monde jeux
On pourrait commencer à disserter sur Cyberpunk en commençant par un « Bienvenue en 2020 mon gars ». Bon, je suis tout à fait d'accord, aujourd'hui cette phrase manque singulièrement de punch. Pourtant il faut voir que le jeu de rôle Cyberpunk a été écrit à la fin des années 80 et à ce titre mérite sa place aux côtés des jeux de rôle mythiques que sont AD&D, l'Appel de Chtulhu, Warhammer et le Jeu De Rôle Des Terres Du Milieu. Si AD&D, l'Appel De Chtulhu et JRTM se sont contentés de jeu-de-rôliser les oeuvres littéraires de Tolkien, Vance, et Lovecraft, Cyberpunk comme Warhammer ont dès l'origine marqué leur différence en favorisant une ambiance à défaut d'un roman.
Cyberpunk donc, soit vingt ans de jeu de rôle, une quinzaine de suppléments disponibles en français pour au moins le double dans la langue d'Albion. Cherchant son inspiration du côté des romans de William Gibson (Neuromancien), Norman Spinrad (Rock Machine) et John Brunner (Sur l'Onde De Choc) et des expériences cinématographiques (Blade Runner, Mad Max, Total Recall, Liquid Sky), Cyberpunk est peut-être le premier jeu de rôle politiquement incorrect. Présentant les Etats-(dés)Unis par le capitalisme sauvage, où le pouvoir étatique a disparu au profit de la toute puissance des corporations, Arasaka, Militech, Biotechnica, Net 54 et consorts font la loi du marché quand celle de la rue est tenue par la faune locale : gangs, junkies, mafia et milices "citoyennes" se taillent des royaumes sur le sol de NightCity, mégaville nouvelle et phare de la Californie.
Au milieu de tout ce foutoir, vous, joueur, allez incarner un homme du siècle, une âme perdue sans but précis, sans quête, sans exploit épique à aller chercher à bout de bras car c'est clair le monde est foutu. La masse est encore plus masse, magma d'individualités malades, absolument bonne à rien, tout est sale, ce qui ne sent pas le pognon sent le vomi ou le crack... Un bon riff de guitare saturée, un petit run illégal... voilà à la limite ce qui peut vous servir d'électrochoc.
Incarnant au choix un netrunner (pirate matriciel), un techie, un media (journaliste), un cops, un corporate (homme d'affaires), un fixer (dealer), un nomade (y'a tout plein de sans-abris), un solo (mercenaire, tueur à gage, garde du corps), ou un rockerboy (un rocker quoi, le pied !), votre groupe va essayer de vivre ou survivre dans un monde détraqué, à la poursuite de ses propres démons (lutter contre les corporations, sortir un disque, cracker les données ultraconfidentiels d'Arasaka au mépris de la Glace Noire qui les protège, vendre un maximum de dope, se faire du blé, latter le gang rival etc).
Alors pourquoi Cyberpunk au fait ? Et bien...pour le côté punk, je crois que vous avez compris -no future- et comme il nous faut y mettre un peu de cyber, disons que la technologie aidant, avoir un bras cybernétique chromé avec options holster, griffes rétractiles, allume-cigare et porte-clefs est relativement courant. Ce qui version bourrine (car les joueurs sont toujours avides de puissance) peut donner quelque chose comme : nanochirurgiens, endosquelette, treissillage des muscles et des os, booster d'adrénaline, délocalisation du coeur, durcissement EMP/micro-ondes, support de puces et détecteur de mouvement... et de façon plus exotique : vous êtes un homme, vous allongez la monnaie et le charcudoc vous transformera en un vague hybride de femme et de lapin, objet sexuel parfait.
Voilà, des corporations, du punk et du cyber... le tout peut s'accompagner en quelques mots : « tous pourris, mais eux plus que moi » et « peu importe ce que tu fais, tant que tu le fais avec style ». Deux petites phrases à bien garder au fond de son crâne pendant que l'on parcourt les quelques 250 pages du livre de base. Livre de base dont les règles ne sont pas exceptionnelles (en particulier les règles matricielles) mais suffisamment expéditives (en combat) pour éviter les nombreux débordements de vos joueurs. Mais peu importent les règles quand l'ambiance est à ce point léchée, quand on peut embrasser la carrière d'un rocker plein de morgue, quand on peut aller taper la nuit sur des SDF dans le parc après un mauvais fix à la benzédrine, quand notre salaire nous donne la chance de vivre dans un appartement de 2m*1m*1m...
Mike Pondsmith, créateur de Cyberpunk (et du très beau Castle Falkenstein) a fait du très bon boulot. Avis aux amateurs.