La critique d'Ora & Labora
Jeux de société / Critique - écrit par Maat, le 05/06/2012 (
Il est des jeux qui sortent et qui ne paient pas de mine. Austère au possible, Ora & Labora a pour atout d’être le dernier jeu d’Uwe Rosenberg, le fameux auteur du Havre et d’Agricola.
Prie et travaille ça donne grave envie, non ?
On retrouve là la patte du maître : des ressources en veux-tu en voilà, des tonnes de possibilités et surtout un jeu réglé au millimètre.
Les moines sont austères…
Si on passe outre les (gros) problèmes d’édition du premier tirage d’Ora & Labora (j’ai dû mettre une heure et demi à tout dépuncher avec mon cutter… Mais j’ose espérer que pour le nouveau tirage c’est différent), le jeu est relativement… moche. Oui, je voulais trouver un autre terme pour ne pas réemployer austère, mais en fait, je crois que graphiquement, c’est vraiment pas la réussite de l’année. C’est dommage car avec les illustrateurs que l’on peut rencontrer dans le monde ludique actuellement… Bref, c’est dans la vaine d’Agricola.
Dans Ora & Labora, on a pléthore de règles de jeu : celle simplifiée pour débuter la partie, une plus complexe et une qui recense les bâtiments sans oublier les aides de jeu. De même, on a un sacré paquet de ressources différentes… Recto verso. Avec les sachets zip qui les accompagnent, très utiles pour le rangement. Les plateaux de jeu, en plus de ne pas être attrayants sont assez bas de gamme. Très souples, on se croirait presque sur un proto !
On a aussi la grande nouveauté made by Uwe : la roue de production (en fait il y en a deux, recto verso)
La roue et le reste du matos....et si les moines sont austères, le travail doit être bien huilé ?
Et là on rentre dans le cœur du jeu. Et si on a réussi à survivre aux premières impressions d’Ora & Labora, on est comblé. Chacun prend un plateau de départ, avec ses tourbes et ses forêts, ainsi que les trois bâtiments de base.
On place la roue de production au centre de la table, et les cartes bâtiments qui apparaitront au fil des étapes. Cette fameuse roue permet non seulement de déterminer combien de matériaux sont produits, mais aussi de ne pas se perdre dans les tours, et ça, c’est assez génial. On sait qu’au tour douze tel joueur sera premier joueur, et qu’il y aura telle agglomération qui entrera en jeu. C’est ingénieux et fort pratique.
A chaque tour, le premier joueur fera une action en début et une en fin. Un tour se déroule comme suit : Si l’on a utilisé ses trois ecclésiastiques, on les récupère. Ensuite, on fait avancer la roue puis parfois il y a une phase d’entrée du raisin ou de la pierre, ainsi que cinq fois dans la partie, une phrase agglomération. Ensuite chaque joueur exécute ses actions (une par joueur plus une bonus pour le premier joueur si vous avez bien suivi). A n’importe quel moment du tour, il est possible d’agrandir ses terrains en achetant une tuile terrain, mais aussi de faire la transformation de certaines ressources gratuitement.
En détail, la phrase d’agglomération consiste en la construction d’un bâtiment spécial qui apportera des points en fin de partie mais qui coute évidemment des ressources.
La phase d’action permet quant à elle soit de placer un des trois ecclésiastiques sur un bâtiment qui nous appartient ou de payer un adversaire pour qu’il pose un de ses ecclésiastiques sur un bâtiment à lui. ; Soit d’abattre de la forêt pour récupérer du bois ou couper de la tourbe. Et, la troisième action possible est de construire un des bâtiments disponibles.
On fait tout ceci vingt-quatre fois puis vient le dernier tour bonus qui permet à tout le monde de faire une action supplémentaire et de construire une dernière agglomération. (dans le cadre d’une partie à trois ou quatre joueurs)
Pour terminer, on va décompter les points. Les agglomérations rapportent des points en fonction de ce qu’il y autour d’elles. Les bâtiments rapportent classiquement des points et quelques matériaux transformés comme les livres, les ornements ou les céramiques rapportent aussi des points. De même que les merveilles.
On est partis pour prier et travailler ?
Alors moi je vous le dis clairement : j’ai eu du mal à me motiver à lancer une partie. Le jeu n’est pas glamour, les règles peuvent faire peur, le dépunchage m’a un peu calmé, le thème n’est pas extraordinairement attrayant. Mais une fois qu’on est dedans, c’est un vrai plaisir. En faisant abstraction de l’édition, on se rend compte que le Monsieur Rosenberg en a dans le ciboulot ! En parlant de l’édition, outre l’aspect « cheap » du matériel, il faut avouer que les cartes sont minuscules et qu’à moins d’avoir une mémoire d’éléphant, il est difficile d’aller chez les autres joueurs tant c’est dur de lire de si petites choses. Mais il faut bien avouer que si elles avaient été plus grandes, le jeu ne tiendrait pas sur une table normale tant il faut de la place pour s’étaler.
Plusieurs points positifs, l’un concernant les livrets de règle : Si ça peut faire peur dans une première approche, c’est vraiment agréable de pouvoir se lancer dans le jeu sans tout lire, de faire une partie et de détailler à mesure qu’on joue. Un autre concerne cette roue si bête quand on y pense mais si ingénieuse et si utile pour les planificateurs ou les têtes en l’air ! Un dernier, qui peut aussi paraître comme un inconvénient quand on approche le jeu pour la première fois, c’est qu’il y a un nombre monstrueux de manières différentes de jouer. Partie courte, partie longue, à deux, seul, à trois ou quatre, avec l’Irlande et ses bières ou avec la France et son vin.
Les stratégies sont évidemment opportunistes en fonction des bâtiments que l’on peut construire, des combinaisons que l’on utilise. A terme, je pense cependant que les bâtiments, au premier abord pléthoriques, ne seront pas assez nombreux. Mais pour ça, il faudra une bonne vingtaine de parties avant d’arriver ou non à cette conclusion.
Pour les possesseurs d’Agricola ou du Havre, le choix de se lancer dans Ora & Labora peut être difficile, mais je pense qu’il apporte vraiment de gros plus par rapport à ses illustres ancêtres.
En bref, Ora & Labora ne donne pas envie d’y jouer, mais une fois le premier pas franchi, il donne vraiment envie d’y revenir tant ses mécaniques sont bien huilées, ses possibilités multiples à condition de tolérer une édition sans génie. Ainsi, sa note est clairement minorée à cause de cette édition approximative, mais le jeu en vaut la chandelle !
Et toi, cher Krinaute, as-tu eu les mêmes sentiments vis-à-vis d'Ora & Labora ?
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