Les Murder Party
Jeux de société / Critique - écrit par camite, le 30/08/2003 (
Où commence le crime
Imaginez une pièce de théâtre en huis clos, sans public, pouvant durer une dizaine d'heures avec des acteurs en improvisation totale. Le point de départ est toujours plus ou moins le même : un groupe se retrouve enfermé pour une durée déterminée dans un lieu fictif avec un cadavre (tout aussi fictif, rassurez-vous) sur les bras. Le coupable se trouve forcément parmi les personnes présentes, les joueurs, qui ont toutes un passé propre et des choses à cacher. Il s'agit donc de mener l'enquête afin de découvrir qui est l'assassin et son mobile. Un organisateur, qui connaît les tenants et aboutissants de l'intrigue, se charge de mettre en scène les étapes scénarisées et de distiller indices et fausses pistes.
Voilà pour le « pitch » de cet étonnant mélange entre le jeu de rôles traditionnel, la performance théâtrale et le Cluedo que constituent les Murder Party. Ces « soirées enquêtes » (la traduction française, moins agressive) ont vu le jour il y a plus de dix ans. Des organisateurs de jeux de rôles grandeur nature, souvent embarrassés en hiver (saison qui se prête moins au jeu en plein air, sauf pour les vaillants), mettent sur pied des « grandeur nature » en intérieur, avec par conséquent moins de joueurs et d'autres types de scénarios, davantage tournés vers l'enquête policière. A la base, il faut donc et de toute façon un bon script. Des Murder Party prêtes à jouer existent dans le commerce (boutiques spécialisées genre Relais Descartes, comptez environ 20 euros par titre), mais certains préfèrent créer eux-mêmes leurs propres histoires...
Ma petite expérience des meurtres entre amis
Tout commence au cours de l'été 2001. En vacances avec des ami(e)s dans une maison perdue dans un trou lui-même perdu de l'Ardèche, je me retrouve à participer à ma première Murder Party. Je ne me souviens plus de son titre, si tant est qu'elle en ait eu un, mais je crois qu'Alexis, l'organisateur, l'avait trouvée sur Internet. Je dois interpréter Smuge, un jeune autiste schizophrène qui dans un élan de dédoublement de personnalité, a étranglé son père, la victime du jeu. Alexis m'assure pourtant que je ne suis pas le coupable de l'histoire. Me voilà donc parti dans une double enquête : trouver le véritable assassin et accessoirement, comprendre pourquoi ce n'est pas moi. Le tout en jouant l'attardé mental. Pas simple, mais il faut un début à tout. Rapidement, je rame tellement dans l'enquête et dans ma défense qu'il ne me reste guère que l'acting pour tirer mon épingle du jeu. Alexis n'arrête pas de m'inciter à jouer les séquences de schizophrénie nerveusement, mais je ne le sens pas du tout... Je parviendrai quand même à foutre le trac à certain(e)s en jouant la dernière scène façon terreur froide... ce qui me vaudra d'être unanimement condamné par les autres à la fin ! Personne n'aura trouvé le véritable coupable, mais bon... On a en tout cas pu se rendre compte que le décor avait une certaine importance dans la réussite d'une Murder Party. Une vieille maison en pleine campagne et en pleine nuit fait toujours plus peur qu'un appartement cosy en centre ville.
Quelques mois plus tard, me voilà dans le rôle d'un flic médiocre en fin de carrière dans Un jour de mai à Marseille (téléchargeable sur le site Murder2000). Alexis est toujours aux commandes, les participants connus et le scénario décevant. Ce qui ne m'empêche pas de ramer comme un malade dans la résolution de l'affaire. Du coup, je me donne un mal de chien pour parler toute la soirée avec un timbre de voix différent, histoire de livrer une prestation honorable à défaut d'une perspicacité efficace.
Troisième Murder sous la direction d'Alexis, Good night my dear (également téléchargeable sur Murder2000) va connaître un sort peu glorieux. La faute à la chaleur (la partie s'est déroulée au cours de l'été 2002) ? Toujours est-il que TOUS les participants sans exception vont se montrer particulièrement peu à leur avantage. Et ce n'est pas ma pitoyable prestation dans le rôle du comptable pas net qui y changera quelque chose... Autre élément indispensable à la réussite d'une Murder : la conviction des acteurs (sans aller jusqu'à demander à chaque joueur une performance oscarisable, bien sûr).
Cette conviction sera bien présente dans Dieu est mort, Murder commerciale autrefois éditée par SPSR mais épuisée aujourd'hui (toutefois disponible sur... Murder2000). Alexis est toujours là mais en tant que participant. Je ne connais ni l'organisateur ni la plupart des comédiens/joueurs, ce qui apporte un intérêt supplémentaire à la partie. Un bonheur n'arrivant jamais seul, les organisateurs m'ont attribué un véritable contre-emploi avec le rôle de Bâal, démon de la guerre et de la destruction, ce qui tranche quelque peu avec les rôles de personnages effacés plutôt adaptés à ma taciturne personnalité.
Dieu est mort est une Murder commerciale, et dans un sens, ça se sent. Les rôles sont tous très bien écrits et faciles à interpréter. Ils permettent en tout cas quelques délires vestimentaires sympathiques, entre Jésus, le démon de la luxure SM et mon personnage grimé en hard-rocker sataniste. Le scénario a beau utiliser des ficelles prévisibles, il prend (presque) tout le monde par surprise, moi le premier évidemment. Je finis malgré tout la partie désigné comme successeur de Dieu, même si je soupçonne un certain favoritisme dans cette nomination...
Après quatre participations en tant que joueur, je décide d'organiser ma propre Murder et ne résiste pas à la tentation d'en écrire moi-même le scénario. M'inspirant fortement du film Le Jour des morts vivants de George Romero, D-Day 11 commence avec des attentats terroristes en toile de fond pour virer au survival horror. Les joueurs sont tous à fond dedans, y compris ceux pour qui il s'agit de la première expérience. L'un d'eux va littéralement m'épater en poussant le perfectionnisme jusqu'à parler tout le jeu avec un accent irlandais, détail que j'avais mentionné sur sa fiche sans penser une seule seconde qu'il le remarquerait...
Organiser une Murder se rapproche assez (enfin, j'imagine) de la réalisation d'un film : écriture, mise en place des décors, direction d'acteurs... La finalité n'est certes pas la même mais l'ensemble reste terriblement excitant.
Galvanisé par ce premier essai, j'écris une seconde Murder basée sur l'informatique et les réalités virtuelles... Mais le passage en jeu réel va révéler une faiblesse majeure : la complexité du scénario qui en découragera plus d'un. Pour tout avouer, je ne suis moi-même pas sûr d'avoir parfaitement compris mon intrigue... Encore un élément primordial : le scénario ne doit jamais perdre les joueurs en route.
Prochaine étape : un rôle de chirurgien dans une Murder que dirigera Alexis je ne sais trop quand : La mort s'habille de blanc (éditée par Asmodée). Il paraît que comme pour Dieu est mort, les auteurs ont pas mal misé sur l'esprit parodique et un humour volontairement stupide... moi qui adore les sitcom américaines, j'ai hâte.