Les Demeures de l'Epouvante
Jeux de société / Critique - écrit par Ryo, le 04/10/2011 (Tags : demeures epouvante application joueurs jeux avis pions
Prenez un Horreur à Arkham. Ajoutez lui une pincée de livre-dont-on-est-le-héros, un zeste de jeu de rôle et une larme de Resident Evil. Secouez bien le tout en prenant le meilleur de chacun des composants. Et vous obtenez Les Demeures de l’Épouvante : un jeu ultra scénarisé et immersif dans l'univers de Cthulhu qui fait la part belle aux histoires et aux mystères.
Il y a quelques jours, alors que je faisais du rangement chez moi, je suis retombé sur un vieux carton tout poussiéreux qui n'avait sans doute pas été ouvert depuis près de vingt ans. Lorsque je l'ai ouvert, je suis retombé sur ma vieille collection de livres dont on est le héros. Avec beaucoup de nostalgie (et avec également une petite larme à l’œil), j'ai repensé à cette époque bénie de ma jeunesse et me suis rappelé qu'à l'époque j'avais trouvé ce concept génial. Puis de fil en aiguille, je me suis dit qu'il y avait surement un moyen de retrouver cette impression de résoudre un mystère et ce plaisir de jeu sur un vrai jeu de plateau. Je me suis donc rendu dans ma boutique de jeu préféré et ai fait part de mes attentes au vendeur pour savoir si un tel produit existait. Il m'a alors aiguillé vers Les Demeures de l’Épouvante, le dernier jeu de Corey Konieczka (auteur de Runewars, Battlestar Galactica, Space Hulk etc...). En voyant la boite, une impression connue m'assaille : ça a l'odeur du Horreur à Arkham... L'odeur seulement ! Car en ouvrant la boite et en faisant mes premières parties, plus de doutes possibles : c'est bien du Horreur à Arkham... mais en cent fois mieux.
Alors pourquoi en cent fois mieux ? Quel tour de passe-passe l'auteur a-t-il pu trouver pour rendre ce jeu si attrayant ? Krinein vous donne toutes les réponses :
Les anciens investigateurs comme Harvey Walters
sont au rendez-vous.Tout d'abord le but du jeu. Et quel est-il donc le but de ce jeu alors...? Et bien dans la plupart des jeux, quand vous commencez une partie, vous savez quoi faire pour gagner. Ce peut être acquérir une certaine somme d'argent, battre le vilain méchant boss du donjon, avoir le plus de points de victoires etc. Mais là... et bien on ne le sait pas en commençant la partie ! C'est aux joueurs de le découvrir. Enfin quand je dis les joueurs, je parle des joueurs qui vont incarner les gentils investigateurs parce qu'il y en a un qui devra jouer le rôle du méchant Gardien. Ils débarquent donc en général dans une vieille demeure dont la configuration change à chaque partie et dont ils ignorent tout, si ce n'est que cette demeure abrite des phénomènes paranormaux (Qui a répondu "SOS Fantômes"...?!... Non ici l'esprit serait plutôt proche d'un Resident Evil). Les investigateurs vont donc devoir se balader dans la demeure et l'explorer afin de trouver des indices pour connaitre leur objectif et donc le moyen de remporter la partie
DR.Et là on touche à la deuxième très bonne idée des Demeures de l’Épouvante. Contrairement à la plupart des autres jeux de société, Les Demeures de l’Épouvante raconte véritablement une histoire. On est très loin du "rendez-vous à telle salle", "battez tel boss pour gagner". Non, ici les indices ressemblent plutôt à cela : "Vous avez trouvé un journal intime avec la date du 5 Juillet 1918 : la santé de ma femme a commencé de se détériorer. Je sais que ce n'est qu'une question de temps et j'ai préparé un endroit pour elle avec les autres corps profondément enfouis dans la terre." A partir de cela, débrouillez-vous. Peut-être en aurez vous déduit qu'il faut vous rendre dans le jardin pour récupérer le prochain indice... A moins que ce ne soit la cave... Ou bien encore la crypte. Vous n'avez aucune certitude. La narration a donc un rôle très important et n'est pas là que pour faire joli à l'inverse de la plupart des autres jeux où le texte d'ambiance n'est bien souvent quasiment jamais lu. L'immersion est alors décuplé par ce procédé et l'on glisse doucement vers un jeu de société qui n'en n'est plus un mais qui se situe plus à mi chemin entre un jeu de rôle, un jeu de plateau et un livre dont on est le héros.
Quelques tuiles du jeu.Pourquoi un livre dont on est le héros ? Tout simplement parce qu'au début du jeu, le joueur qui aura le rôle du Gardien devra répondre à plusieurs questions et en fonction de ses réponses, le plateau restera le même, mais tout les objets, évènements spéciaux, indices, objectifs et obstacles changeront de places et/ou ne seront pas les mêmes. On se retrouve donc avec une rejouabilité plutôt bonne étant donné qu'un même joueur pourra refaire quatre à cinq fois une même histoire mais avec une configuration et des indices différents. Le livret de base contient cinq histoires ce qui assure déjà une très bonne durée de vie au produit. D'autant plus que quand vous aurez essayé toutes les variantes d'une même histoire, vous pourrez incarner le Gardien. Car même si le plaisir de la découverte d'un scénario n'est plus là lorsque l'on incarne le Gardien, le fait de tirer lez ficelles et d'avoir à dispositions toutes une batteries d'actions pour empêcher les investigateurs de fouiner en rond est également jubilatoire.
Une carte action du Gardien.Et là on retrouve les éléments chers à Korey Konieczka, à savoir les cartes d'actions. Comme pour Space Hulk et Runewars auparavant, le Gardien dispose selon l'histoire choisie d'un certain nombre d'actions possibles (mouvement de créatures, gains de cartes pour entraver les investigateurs, invocations de créatures, actions spéciales etc) qui lui coutent un certain nombre de points de menace (points qu'il accumule à chaque tour de jeu en fonction du nombre d'investigateurs, un peu à la manière d'un Descent). Le système fonctionne très bien et les cartes d'actions sont là encore suffisamment variées pour pouvoir mettre en place différentes stratégies. Le gardien dispose par ailleurs d'autres moyens afin d'entraver les investigateurs : des cartes trauma (qui représentent des blessures et des démences), des cartes mythes (qui représentent des évènements surnaturels ou inattendus), des cartes évènements (qui se déclenchent à certains moment précis de l'histoire), et enfin la possibilité d'invoquer des monstres. Et là les fans seront au comble du bonheur : enfin des figurines dignes de ce nom dans un jeu Cthulu. Ces dernières sont magnifiques, énormes pour certaines par rapport aux pauvres investigateurs et reposant sur des socles affichant leurs caractéristiques : du pur bonheur pratique.
Le Signe des Anciens est
toujours là même si sa fonction
est différente.Et si l'on voulait continuer à faire la liste de toutes les bonnes trouvailles de ces Demeures de l’Épouvante, la liste serait très longue. Citons tout de même dans le désordre les profils des personnages que l'on peut personnaliser (chaque investigateurs peut être caractérisé par un choix de deux cartes parmi quatre avec des caracs et des objets de départs différents). Les objectifs des parties pour le gardien et les investigateurs changent de partie en partie en fonction des choix qu'aura fait le gardien. Les effets des sorts des investigateurs ne sont pas connus à l'avance : il faudra attendre d'avoir activé le sort pour en voir les effets en retournant la carte. Ainsi le sort "Flétrissement" pourra en cas de réussite infliger selon la carte, cinq points de dégâts, ou sept points de dégâts, ou assommer un monstre ou infliger un certain nombre de points de dégâts en fonction du monstre. A l'inverse en cas d'échec du sort, on n'infligera qu'entre un et trois points de dégâts et on pourra même en prendre soi-même. Cette incertitude par rapport aux effets des sorts ajoute un piment certain à la partie et une dose de suspense non négligeable. Le matériel est d'une qualité exemplaire, les cartes nombreuses et les décors des manoirs vous feront vraiment penser aux vieux films de maisons hantées ou bien encore au tout premier Resident Evil. Les combats sont également très scénarisés : on ne sait jamais ce qu'il va se passer et même si un monstre vous attaque, vous pouvez très bien réussir à lui infliger tout de même des dommages. Enfin citons la plus déroutante des trouvailles que n'aurait pas renié notre bon Professeur Layton à savoir la présence de taquins dans le jeu. En effet pour simuler des coffres à forcer, des verrous à faire sauter ou bien encore des passages secrets, vous serez amené à résoudre des taquins dont la configuration change à chaque partie. Même si ces derniers ne sont pas d'une difficulté extrême (et ce n'est pas le but), le fait d'avoir réussi à intégrer ce système et surtout d'une manière qui fonctionne et qui s'intègre totalement dans le jeu est une grande prouesse et montre à quel point les auteurs du jeu ont réussi à recréer une ambiance et un univers.
Les Chthoniens une fois peints.En bref, en conservant les éléments fondamentaux qui ont fait le succès d'Horreur à Arkham (monstres liés à l'univers de Cthulhu, test d'horreur et d'évasion, investigateurs) mais en modifiant totalement la manière de jouer, les auteurs du jeu ont réussi un superbe tour de force. Nous faisions il y quelques temps la critique de DungeonQuest et nous lui reprochions principalement son manque d’intérêt dû au fait de ne faire que du tirage de cartes. Les Demeures de l’Épouvante est à l'exact opposé de cela : du début à la fin vous êtes dans l'histoire. L'immersion est totale et passionnante et très rapidement vous n'êtes plus un joueur, mais bien un investigateur en train d'enquêter dans ce manoir en ruine. Vous ne jouez plus à un jeu de société, mais plutôt, comme le dit la boite à un "jeu d'exploration, de mystère et d'horreur" (au même titre que Civilization se caractérisait comme un jeu de "culture, de politique et de guerre"). Les auteurs ont donc vraiment privilégié la narration d'une histoire où les joueurs doivent chercher eux mêmes comment trouver pour gagner la partie. Tout a été pensé pour que les joueurs se prennent à cette histoire, et même si l'on peut éventuellement regretter une certaine difficulté à deux investigateurs (le niveau de difficulté est le même que les investigateurs soient deux ou quatre), le plaisir d'explorer un manoir où tout à été calibré sur mesure pour susciter du mystère et le fait d’échafauder des plans et des hypothèses est jouissif. Le matériel est superbe comme d'habitude chez Edge même si les monstres ne font pas tout et se dénombrent au compte goutte (sept sortes différentes et il est rare d'en avoir plus de cinq en même temps sur le plateau de jeu). Difficile dans ces cas là de ne pas envisager tout le potentiel du jeu en terme d'extensions (une première est déjà prévue pour la version anglaise dont vous pouvez avoir un aperçu ici) : des nouveaux scénarios, de nouveaux monstres et manoirs à explorer : on en salive d'avance.